Le pouvoir et la vérité

 

 

  Contribution de philosophie politique intitulée

LE  POUVOIR

par Dominique Mabboux-Stromberg
 
----- 1997 -----

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Table des matières

     I) LA POLITIQUE ou LES 4 FAUTES EMBLÉMATIQUES DU POLITICIEN ORDINAIRE

     II) LA VÉRITÉ ET LE POUVOIR

            1.  La Vérité
            2.  La légitimité
            3.  Le pouvoir
            4.  Le pouvoir de la morale



CHAPITRE I

LA POLITIQUE  ou  LES 4  FAUTES EMBLÉMATIQUES DU POLITICIEN ORDINAIRE.


"La politique n'est pas une technique de domination mais l'art de la liberté. " (G. Chatelet)

Les idéologies politiques n'appartiennent à personne car elles résultent toujours d'un long processus de maturation dans l'inconscient collectif portant sur des siècles d'histoires. La première faute du politicien commun est de s'approprier l'idéologie à son Moi, entraînant folie des grandeurs et folie de la persécution. Cette faute est la mieux représentée par l'image du prince, le prince qui dicte la loi qu'il croit sienne par orgueil, or qu'elle lui a été insufflée par le Saint-Esprit....

Le but de la politique se résume en trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité. La liberté est le pouvoir. L'égalité est l'égalité du pouvoir et l'égalité du devoir. La fraternité est le devoir de solidarité. Ces trois principes politiques de bases, exprimés sommairement à travers une grille de lecture établie lors de la révolution française, sont universels. (Néanmois cette unversalité fait partie d'un système de pensée qui, lui, n'est pas universelle.) La notion centrale de la politique n'est pas l'homme mais le pouvoir. C'est pourquoi il ne faudra pas accorder à la politique, la plus haute marche de l'esprit. L'homme induit évidement des exigences minimales d'où émanent les idéologies minimalistes, mais n'est véritablement présent que dans le coté inconscient de la politique, qui consiste à définir les règles morales des acteurs, et qui recoupe le domaine de la religion. Le côté conscient de la politique, quant à lui, qui consiste à définir les règles légales de chaque instances de la société, redistribue le pouvoirs aux individus. La politique ne définit pas le bonheur des hommes, mais leur liberté, qui se trouve être leur pouvoir. La seconde faute, dans l'ordre d'importance, consiste à minimiser le côté obscur du pouvoir et de penser que l'honnêteté intellectuelle suffit pour assurer l'honnêteté tout court, cela aussi bien pour soi que pour les autres. On la représente par l'image de l'apprenti-sorcier.

Le but d'un parti politique est d'infléchir de façon durable la politique du pays dans un sens souhaité, décliné par une interprétation de l'intérêt général. Aussi les élections ne constituent pas un but en soi, mais un moyen. Par contre, dans un clan, on agit pour l'intérêt commun restreint au clan que constitue la conquête du pouvoir. Le pouvoir une fois conquis perpétue les traditions dont le clan est porteur. La troisième faute est de porter les couleurs d'un clan, entraînant l'aliénation aux traditions du clan et le détournement du but noble du parti politique pour des intérêts limités. C'est l'image du vassal, celui qui fait allégeance à un pouvoir quelque peu occulte.

On peut distinguer deux types d'activités politiques parfois non cumulables que sont la négociation, et la dénonciation. Les groupes dénonciateurs sont là pour interpeller l'opinion publique qui joue le rôle de la toile de fond en donnant le la des négociations avenirs. Les groupes négociateurs sont là pour convaincre par la dialectique. Sans l'un inutile de négocier et sans l'autre c'est jouer la politique du pire. La quatrième faute est d'opposer l'un à l'autre. Elle est le mieux symbolisée par le serpent.



CHAPITRE II

LA VÉRITÉ ET LE POUVOIR.

 

1) La Vérité :

Un accord, un jugement, un indice, une découverte... sont les facettes d'une même entité que l'on appelle vérité. Chacune d'entre elles n'en approchent pas d'avantage la vérité ; Une découverte peut être erronée ou illusoire, un indice peut être truqué ou le résultat d'une coïncidence fâcheuse, un jugement peut être trop sévère, et un accord désignant un intérêt commun peut être trompeur par hypocrisie ou malentendu...

La recherche de la vérité, sa motivation et son aboutissement, sont décrits par le mythe de l'ange déchu. Il n'en est pas exactement de même dans d'autres civilisations. Mais les thèmes mythiques ont une concordance que l'on retrouve. La chute de l'ange, le péché d'orgueil qui constitue la prémisse de la religion chrétienne, transporte par le biais de la métaphore, la problématique de la Vérité qu'il est extrêmement difficile de poser dans sa globalité. Aussi aurons nous quelque fois recours aux mythes pour pouvoir évoquer des questions métaphysiques.  

Principe qui nous empêche de connaître la vérité:

La vérité se dérobe toujours car notre recherche va influencer à la fois notre perception et l'objet sur lequel elle s'exerce, et l'on ne pourra plus discerner ce qui émane de l'objet ou de nous-mêmes.


C'est pour tenter de remédier à cette influence que s'établissent les règles méthodologiques (règles pour connaître la vérité).

Une des plus ancienne règles utilisée pour connaître la vérité dans le cas d'un dilemme opposant 2 partis est le jeu de pile ou face : Le hasard ayant l'avantage de se tromper qu'une fois sur deux. Or s'il fallait s'en remettre à une commission pour trancher le dilemme, il s'avérait que celle-ci se trompait beaucoup plus souvent qu'une fois sur deux. Parce que la commission était inévitablement soumise à l'influence des partis les plus puissants qui pour d'autres raisons métaphysiques s'avéraient beaucoup plus souvent coupables.

Ces règles sont remises en question en en proposant d'autres prétendues plus efficaces, et l'absence de propositions alternatives vaut leur légitimité. Cet exemple caricatural montre quel type de règles il s'agit, de règles précisant la forme et non le fond, et issues non pas de principes "moraux" mais de principes "constitutionnels" (au sens où ces règles fondent la légitimité de l'instance à laquel elles s'appliquent).

Ces principes "constitutionnels" que l'on pourraient qualifier de "méta-moraux", préservent l'aspect véridique des avis et des preuves. Il sont aux nombres de trois, référant à l'indépendance, à la concordance et à la séparation :

I) Principe d'indépendance:

Le caractère véridique d'un avis est renforcé lorsqu'il est le résultat d'un accord entre un grand nombre d'individus, issus de chemins différents indépendants les uns des autres, et isolés de toutes influences.


II) Principe de concordance:

Le caractère véridique d'un avis est renforcé lorsqu'il est la conclusion concordante de plusieurs démonstrations basées sur des indices ou des théorèmes distincts.


III) Principe de séparation:

La preuve est pourvue d'un caractère de validité supérieure lorsque sa découverte et ses évolutions sont faites par des instances séparées exerçant un contrôle mutuel par leurs tâches de natures distinctes, car cette séparation permet d'obtenir une vue objective sur le fonctionnement interne et dissuade toute tentative de manipulations.

2) La légitimité:

A une autre époque, les règles constitutionnelles étaient la plupart du temps implicites et toujours d'une extrême simplicité, tel le règlement d'une opposition par le duel. Le pouvoir a besoin à certain moment d'appuyer ses décisions par un consensus plutôt que par la force. Dans de pareil cas, la règle utilisée, façonnée par l'histoire, proposée par les factions dominées, s'illustre remarquablement dans l'image du duel, car tout autre règle leur accordant quelque faveur discrétionnaire aurait pu être utilisée à leur défaveur, et l'aurait été. Nous pourrions dire sous forme d'un sophisme que les règles constitutionnelles résultent des exigences méthodologiques des dominés tout au long de l'histoire.

Ainsi toute instance s'astreignant a respecter certains de ces principes acquière une certaine légitimité. Un groupe statistiquement représentatif, par exemple un échantillon constitué par tirage aux sort, peut revendiquer une certaine légitimité puisque satisfaisant au premier principe. De même, les personnes ont une certaine légitimité sur leur travaux, car la réussite de leur travaux constitue la démonstration de faisabilité par l'expérience, et donc obéit au principe de concordance. De même, si des groupes de personnes se constituent en plusieurs instances séparées s'exerçant un contrôle mutuel par leur tâche respective, par exemple les uns sont auteur de texte d'organisation, les autres sont ceux qui les interprètent, l'appareil ainsi constitué acquière une certaine légitimité car obéissant au principe de séparation. Mais la véritable légitimité nécessite de respecter formellement les trois principes.

Ces principes, malgré leur simplicité conceptuelle, sont très difficiles à mettre en oeuvre : Le principe de séparation exige qu'il n'y ait aucun lien ni affectif ou d'intérêt lointain susceptible d'influencer consciemment ou non la décision. Regardez par exemple les exigences de non parti pris qui s'exerce sur les juges.... Le principe de concordance exige des démonstrations, et quoi de plus difficile que des démonstrations.... Le principe d'indépendance, quant à lui, exige que les personnes soient libres et différentes, ce qui est sans doute la chose la plus difficile à obtenir.... Le suffrage universel pour les élections, le recours à des conseils paritaires... relèvent du principe d'indépendance. La double écriture en comptabilité, le respect des engagements de l'Etat, des jurisprudences... relèvent du principe de concordance. La séparation des 3 pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, relève du principe de séparation.

3) Le pouvoir:

L'analogie entre Vérité et Pouvoir s'illustre naïvement par la connaissance procurant un pouvoir et vice-versa. Mais ce qui nous intéresse ici est une analogie plus profonde touchant aux principes sous-jacents précédemment décrits. La liberté est un pouvoir. L'argent, les titres sont des pouvoirs. Le vote, la parole, l'autorité morale, le statut, la propriété, les privilèges, les services proposés..., sont des pouvoirs et obéissent à des principes généraux :  

Principe de concentration:

Le pouvoir a tendance à ce concentrer où qu'il soit et d'autant plus vite qu'il est déjà concentré, qu'il est obscure, et que sa nature est complète (nous entendons par nature complète, qu'il recouvre toutes ses formes). La cause est analogue à celle qui nous empêche de connaître la vérité : Tout homme qui prétend contrôler son pouvoir est dans l'illusion, car il ne peut séparer ce qui émane de son pouvoir de ce qui émane de son jugement.

Le pouvoir se personnifie et développe ses propres raisons, sa logique, et son imaginaire, et par le fait de son importance grandissante vis-à-vis de celle de l'individu, fini tout simplement par le remplacer. Dans l'imagerie mythique, on le représente par l'Orichalque, une pierre précieuse, une icône magique qui capte et concentre le pouvoir émanant du Soleil jusqu'a devenir totalement incontrôlable. Il ne s'agit nullement d'une faute originelle ou innée restreinte à l'homme, mais il s'agit du côté obscur du pouvoir, du côté obscur de la Lune dirait le poête, du fait de l'impossibilité de contrôler son propre pouvoir sans avoir un point de référence exterieur.  Le pouvoir non assujeti est la source du mal au sens manichéen du terme, car il n'existe pas de ìfauteî s'il n'y a pas d'intention ni de pouvoir, et l'on défend ici la thèse que l'intention émane du pouvoir.

Le but de la politique, comme nous l'avons vu au premier chapitre, est de redistribuer le pouvoir aux individus et de leur donner un devoir de solidarité. Le devoir n'est pas la contrepartie des pouvoirs accordés, elle constitue un but premier en soi comme l'est le pouvoir (la liberté) et l'égalité. Ce qui différencie l'idéologie de "droite" de celle de "gauche", est qu'elle reporte ce but naturel de la politique depuis la révolution française, à un futur lointain dérogeant à la règle présentement, en vu d'aller plus vite vers un accroissement de la somme des pouvoirs. Sorte de fuite en avant vers une utopie libérale que l'on n'atteindra jamais et qui justifie tous ces corps atrocement mutilés laissés sur le bord de la route..., c'est le mythe de la Tour de Babel. L'injustice se justifiant dans le présent pour l'accès à un paradis futur. Il nous faut renoncer à cette course effrénée du pouvoir et concentrer nos efforts a sa répartition et à son contrôle.

Pour contrecarrer le principe de concentration du pouvoir, il faut nous astreindre à trois principes, analogues à ceux qui nous permettaient d'approcher la vérité:

I) La répartition du pouvoir:

Le pouvoir doit être également réparti, permettant aux individus d'être libres, égaux et indépendants.... Il doit fonder sa légitimité sur le principe d'indépendance.


II) La clarté du pouvoir:

Le pouvoir doit agir selon des règles, arguments et preuves qui doivent être écrites et publique, il doit respecter les lois et leurs logiques.... Il doit fonder sa légitimité sur le principe de concordance.


III) La séparation des pouvoirs:

Le pouvoir doit être divisé en plusieurs instances séparées exerçant un contrôle mutuel par leurs tâches de natures distinctes.... Il doit fonder sa légitimité sur le principe de séparation.

On regroupe la clarté et la séparation des pouvoirs en un concept dit de contrôle du pouvoir. Le contrôle du pouvoir peut être présenté comme un mécanisme anti-corruption, qui assure la non-existence de connivences cachées entre les divers instances et acteurs qui composent ce pouvoir ou qui s'y réfèrent. Le but de la politique sur le pouvoir est d'en assurer sa répartition et son contrôle, soit d'une façon imagée, de dénouer le Noeud gordien que constitue le pouvoir dans notre monde de communication....

4) Le pouvoir de la morale :

L'individu possède un système de valeur qui lui permet de décider plus ou moins rapidement ce qu'il doit faire ou ne pas faire selon des intérêts particuliers, selon des règles de conduites, selon une morale, une religion. Pour tous hommes, en dehors des contraintes auquelles ils ne peuvent se soustraire, ce n'est pas la loi qui détermine leurs réactions lors d'événements contingents, mais ce sont leurs systèmes de valeurs qu'ils ont incorporés tout au cours de leur vie, et qui les guideront. La légalité dicte le fonctionnement des instances. La morale dicte les actes individuel des hommes. La loi est écrite, est unique, ne contient que peu d'ambiguïtés, et elle est imposé à tous. Par contre la morale est en grande partie non dite, n'est pas unique, est souvent contradictoire, et elle est ancrée dans l'inconscient des personnes, enracinée dans la psyché collective. Il existe plusieurs niveaux de psyché collective restreints à la famille, aux groupes, à la nation, en références des quelles on pourrait définir une morale; morale nationale ou patriotisme, morale familiale, morale relative à un groupe ou à un clan...

Le pouvoir d'un individu n'est pas restreint uniquement par la loi, par sa fortune, ses privilèges, ou les services qui lui sont proposés, mais est aussi restreint par son inconscient, par la construction intérieur qu'il s'est faite du monde et qui lui permet de percevoir qu'une partie de la réalité. L'émancipation passe non seulement par l'obtention de droits nouveaux mais surtout par la rupture des chaînes intérieures qui entravent la liberté : Les "esclaves" sont autant prisonniers de leurs préjugés que des lois qui les maintiennent dans leurs statuts iniques. Mais plus encore, ils sont esclaves de la vision inconsciente que les autres ont d'eux : De même que l'esclave ne peut envisager sa liberté, l'autre ne peut envisager de l'aider à acquérir cette liberté. Le pouvoir de la morale peut asservir les esprits d'une manière extrême, ce que la loi n'a pas prétention, maintenant par exemple un système de caste en Inde, ou un système sexiste dans les pays musulmans, désignant dans d'autres contrées un boucémissaire ou un ennemi, allant au meurtre ou au génocide.

L'énergie nécessaire, pour rompre des chaînes intérieures est puisée dans l'inconscient. Lorsque l'individu brise un certain nombre de tabous et d'interdits intériorisés, par une induction plus profonde encore, il est envahi par le doute dans son action. Il ne s'agit pas d'un doute nihiliste, ni d'un remords, mais d'une remise en cause d'un système de valeur par un autre sytème naissant et non encore achevé, qui se concrétise justement par cette action transgressante, transgression encore plus forte puisque le doute qui l'accompagne est l'opposé de la foi et du dogme religieux qui fonde toute morale. C'est le mythe d'Antigone. Le revers de cette émancipation est qu'Antigone perd sa confiance qu'elle avait envers ses prôches. D'où l'importance de ne pas opposer émancipation et solidarité.

L'individu se rebelle contre l'autorité si celle-ci est divisée en deux parties et qu'il peut exploiter cette division pour justifier son refu d'obtempérer, opposant l'autorité de l'une à celle de l'autre, ou s'appuyant sur une autre autorité qui peut être morale comme précedement. Dans tous les cas, la liberté de rébellion s'apuie sur d'autres devoirs et obligations, constituant par là, le paradox de la liberté.

Le côté inconscient de la politique, comme la religion, fonde la morale qui exerce un pouvoir diffus et incertain sur les esprits. On retrouve donc une même problématique du pouvoir et de la vérité mais sur un autre plan, dans un plan onirique, religieux, en dehors du temps.


Dominique Mabboux-Stromberg